-Par Anass BELHAJ-
Le palmier dattier et la région de Drâa-Tafilalet sont étroitement associés dans l’imaginaire collectif. Bien plus encore, le palmier est aujourd’hui la locomotive incontestée du secteur agricole au niveau de la région oasienne où il joue à la fois un rôle économique et écologique.
Symbole de générosité, de joie et de bienfaits, le palmier dattier confère sa structure à l’oasis, protège du vent et de l’avancée du désert tout en procurant aussi bien à la population oasienne qu’à son cheptel une gamme très large de produits organiques et, surtout, un micro-climat favorable au développement de nombreuses cultures annexes.
Outre la datte, fruit de haute valeur nutritive, le palmier dattier offre une gamme riche de sous-produits agricoles dont les vertus et bienfaits ne sont plus à démontrer. Cette gamme va des briquettes de chauffage au biochar, en passant par les aliments de bétail.
Afin de valoriser ces sous-produits dans la région de Drâa-Tafilalet, qui s’accapare la part de lion de la production nationale des dattes avec un taux de 90%, la direction régionale de l’Agriculture (DRA) à Drâa Tafilalet a conçu un projet phare visant l’instauration d’un modèle de développement durable et viable dans les palmeraies de Jorf, Rissani et Erfoud, à travers la mise en place d’un complexe de valorisation des sous-produits du palmier dattier.
Le chef du service filière de la production végétale au sein de la DRA, Mustapha Abdellaoui, a fait savoir que ce complexe de valorisation des sous-produits du palmier-dattier, qui sera installé à Jorf, est composé d’une unité de fabrication des briquettes de chauffage à base des sous-produits du palmier dattier broyés (la biomasse broyée peut servir aussi à la production de la litière pour les élevages bovins et poulet de chair), d’une unité de fabrication de biochar à base des sous-produits du palmier dattier et d’une unité de fabrication d’aliments de bétail à base des rebuts des dattes et des pédicelles.
Interrogé par la MAP, M. Abdellaoui a indiqué que “ce projet ambitieux a été identifié et formalisé en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, dont la population cible, les groupements d’intérêts économiques (GIE), les coopératives de prestations de services, l’Office national du conseil agricole (ONCA) et l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA), entre autres”.
Ce projet, a-t-il ajouté, s’inscrit dans le cadre des efforts de l’Etat en matière de développement agricole et rural, notamment dans les zones d’extrême ruralité et oasiennes, et en vue de répondre aux besoins de la population cible, d’améliorer leurs conditions de vie et de promouvoir l’auto-emploi.
Abordant les raisons qui ont conduit à la mise en place de ce projet, qui est actuellement en phase d’étude de faisabilité, M. Abdellaoui a souligné l’existence d’une biomasse importante à base des palmes et de rebuts des dattes non valorisée, précisant qu’il s’agit de plus de 11.000 tonnes de biomasse et d’environ 2.000 tonnes de rebuts de dattes.
Le responsable a mis l’accent aussi sur le taux de vulnérabilité élevé dans la zone du projet ainsi que sur la demande croissante en bois de chauffage dans les Hamams publics et les unités agro-industrielles, ainsi que sur les aliments de bétail.
S’agissant des objectifs escomptés du projet, il a cité en premier lieu la promotion de l’auto-emploi des jeunes ruraux à travers l’appui à la création des coopératives de prestation de services et les faires évoluer en micro-entreprises.
Ce projet permettra également de diversifier les revenus des agriculteurs, d’améliorer la productivité du palmier dattier par l’adoption des bonnes pratiques, notamment le nettoyage des touffes (augmentation de 10 à 15 %) et de pérenniser l’opération d’entretien des palmeraies, à travers le recours des agriculteurs eux-mêmes à l’opération de nettoyage des touffes sans l’intervention de l’Etat dans le cadre du programme de restructuration des palmeraies, a-t-il détaillé.
D’après M. Abdellaoui, cette initiative contribuera à accélérer le développement durable à travers une offre énergétique alternative au bois de feu, tout en améliorant la résilience face aux effets du changement climatique et aux risques d’incendies au niveau des oasis.
Selon des données de la DRA, l’unité de fabrication du bois de chauffage programmée contribuera à réduire la pression exercée sur les forêts en raison de l’exploitation non durable des ressources forestières à des fins énergétiques.
Concernant l’unité de production du biochar, qui constitue un amendement du sol issu de la pyrolyse de la biomasse, elle favorisera la stimulation de l’activité́ biologique des sols, l’amélioration de la rétention des nutriments, l’augmentation de la capacité́ de rétention d’eau dans les sols, la réduction des émissions de protoxyde d’azote (N2O) et la lutte contre les changements climatiques. En plus de ces avantages sur le plan agronomique, le biochar pourra être utilisé comme un combustible en procédant à sa granulation sous forme de briquette à haute valeur calorifique.
Pour ce qui est de l’unité de fabrication des aliments de bétail à base des dattes à faible qualité marchande, elle permettra de transformer naturellement les sous-produits organiques en compost, grâce à la fermentation en aérobie contrôlée. Le processus d’aération contrôlée permet la fabrication d’un compost normalisé en 15 semaines. Son système de gestion informatisée permet une traçabilité de toutes les phases du processus.
Outre la mise en place de ces trois unités, ce projet apportera aussi un appui aux coopératives de prestations de services. L’objectif spécifique est de rendre les coopératives de prestations de services actifs et opérationnels et de les faire évoluer en micro-entreprise susceptibles de répondre au dynamisme que connaît le secteur du palmier dattier au niveau de la région.
Pour atteindre cet objectif, le projet prévoit 3 activités, à savoir l’accompagnement des coopératives en matière d’organisation, d’installation, de renforcement des capacités, de formation et d’encadrement, l’équipement des coopératives de services en matériel nécessaire pour la réalisation des prestations agricoles aux profits des agriculteurs notamment, le matériel du nettoyage des touffes, ainsi que la mise à la disposition des coopératives de prestation de services des moyens de transport (tracteur avec remorque) pour la collecte et le transport de la biomasse (palmes, régimes des dattes …) issue de l’opération de nettoyage des touffes et la réalisation d’autres prestations agricoles.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie Génération Green 2020-2030 qui vise à contribuer à l’émergence d’une classe moyenne agricole, à dynamiser la jeunesse rurale, à développer le capital humain et à structurer davantage les agriculteurs autour d’organisations agricoles performantes.